Ello, le succès imprévu d’un réseau social sans publicité
Sur Internet, les candidats pour renverser Facebook sont nombreux. La semaine dernière, un nouveau combattant est entré dans l’arène: il s’appelle Ello et il ne retient pas ses coups. «Votre réseau social préféré est possédé par les annonceurs», affirme d’emblée ce site qui est devenu en quelques jours la coqueluche de la presse et des bloggueurs américains. «Ils achètent vos données personnelles pour vous montrer toujours plus de publicités. Vous êtes le produit que l’on achète et que l’on revend ensuite.»
Un site trop simple?
Dès sa page d’accueil, Ello ne mâche pas ses mots. Lancé en mars, ce réseau social sans publicité affirme vouloir construire un endroit où «se connecter, créer et célébrer la vie.» Ses utilisateurs n’ont pas besoin de faire connaître leur véritable identité pour s’inscrire: un simple pseudonyme suffit. Ils doivent ensuite s’abonner à d’autres profils. Les contacts peuvent être ajoutés à deux listes distinctes: «amis», pour les personnes que l’on connaît bien, et «noise» («bruit» en français) pour les autres.
Beaucoup de fonctionnalités d’Ello rappellent le fonctionnement d’autres réseaux sociaux connus, commeTwitter ou Tumblr. On y publie des contenus simples, comme des textes, des photos ou des images animées, et on consulte ceux de ses amis en remontant une liste chronologique. Contrairement à Facebook, Ello dispose de très peu d’options afin de ne pas perdre ses utilisateurs dans des règles de confidentialité trop complexes. Cette simplicité n’est pas que pour le meilleur: le site ne dispose d’aucun outil pour empêcher certaines personnes d’accéder à un compte, par exemple dans le cas d’un harcèlement en ligne.
4000 demandes d’inscription par heure
Ello intrigue les internautes à plusieurs titres. Sa soudaine popularité, six mois après son lancement, fait l’objet de beaucoup de spéculations. Il pourrait s’agir de la conséquence d’une polémique après que Facebook a forcé des utilisateurs transexuels à utiliser leur nom de naissance plutôt que leur nouvelle identité. Ello, qui autorise les pseudonymes, leur offre une alternative séduisante. Ce phénomène ne saurait néanmoins expliquer son succès fulgurant. Jeudi soir, l’un de ses fondateurs affirmait recevoir près de 4000 demandes d’inscriptions par heure. Des internautes ont même mis aux enchères des invitations à Ello sur eBay.
L’autre mystère d’Ello est son modèle économique. Sans publicité et complètement gratuit, le site n’a pour le moment aucun moyen concret de gagner de l’argent. Interviewé par le site Engadget, Paul Budnitz, l’un des cofondateurs du réseau social, a indiqué que son équipe travaillait à un système d’options payantes, qui permettraient d’améliorer l’expérience des utilisateurs contre quelques dollars. Néanmoins, Ello n’est pas sans ressources. Au mois de mars, le site avait levé 435.000 dollars (343.000 euros) auprès de la société de capital-risque américaine FreshTracks Capital. Sous ses airs révolutionnaires, Ello a tout d’une start-up classique.
Malgré l’attention médiatique soutenue dont il bénéficie aujourd’hui, Ello peine encore à convaincre. Il ne s’agit pas du premier réseau social venu affronter Facebook sur le terrain de la vie privée ou de la publicité. Avant lui, des sites comme Diaspora ou App.net ont vainement tenté de s’attaquer à son empire, comme le rappelle le blog Valleywag. Par ailleurs, Ello doit déjà affronter de nombreuses critiques, comme la présence de comptes de marques (dont un magasin de vélo appartement à son co-fondateur Paul Budnitz) sur le site. Un comble pour ce réseau social qui juge les publicités «de mauvais goût».