Pour prier ou pour dîner, les applications religieuses ont la foi

VIDÉO – Bible en ligne, géolocalisation de restaurants casher ou halal, horaires de prières : quelle que soit la religion, les smartphones et tablettes accompagnent le quotidien des croyants.

Le film ne ferait pas rougir les équipes marketing d’Apple ou de Google. Un homme en costume, installé sur la banquette d’un taxi, lit avec attention sur son smartphone. Une femme court dans la campagne, des écouteurs vissés sur les oreilles. Une famille souriante regarde un film sur sa tablette. Une jeune fille tweete une citation d’un texte depuis son mobile. Malgré ses allures modernes, ce spot ne fait pas la promotion du dernier réseau social à la mode, mais d’un livre de plus de deux mille ans, la Bible, disponible en version mobile.

Alors que les smartphones et les tablettes ont révolutionné de nombreux secteurs du quotidien, la religion et le numérique entretiennent encore une relation équivoque. Comment faire de la technologie un moyen de se rapprocher de Dieu et non de s’en divertir? Pour l’Eglise évangélique américaine LifeChurch.tv, le smartphone est plutôt une bénédiction: elle a lancé en 2008 YouVersion, une application qui permet de lire, d’écouter et de partager des extraits de la Bible. Elle revendique aujourd’hui 170 millions de téléchargements dans le monde. Elle est loin d’être la seule sur ce créneau. Rien qu’en France, plus de 2100 applications pour iPhone utilisent le mot-clé «Bible», d’après le site App Annie. Ce chiffre s’élève à plus de 400 pour «Coran» et à 275 pour «Torah».

Une nouvelle génération de croyants

Facilement transportables, le plus souvent gratuites, les applications religieuses se font peu à peu une place dans les lieux de culte et la vie des croyants. «Il existe des imams qui font leur conférence, voire leur sermon à l’aide d’un iPad!» s’enthousiasme Fateh Kimouche, créateur d’Al Kanz, un portail dédié à la communauté et à l’entreprenariat musulman francophone. Mendel Samama, rabbin à Strasbourg, plus de 1000 followers sur Twitter, recourt aussi aux applications de son smartphone lors de ses déplacements. «Je m’en sers pour faire des recherches sur certains mots-clés», explique-t-il. «C’est idéal pour retrouver rapidement une référence.»

Les entrepreneurs du numérique ont embrassé ces nouvelles pratiques. LifeChurch gère maintenant deux applications en plus de celle consacrée à la Bible, l’une dédiée aux enfants et l’autre aux prêtres et pasteurs. «C’est un marché qui se développe», confirme Simo Alaoui, cofondateur et PDG de QuanticApps, une start-up marocaine dédiée aux applications pour les musulmans. Lancée il y a trois ans, l’entreprise a commencé par publier des applications de productivité. C’est un peu au hasard qu’ils ont lancé leur première application musulmane, qui permet à ses utilisateurs de lire et d’écouter le Coran. Elle est vite devenue le plus gros succès de la jeune entreprise.

 

QuanticApps gère aujourd’hui cinq services mobiles dédiés aux musulmans et prépare même une application pour l’Apple Watch. En tout, ses apps cumulent 7 millions de téléchargements. «Il y a une nouvelle génération de musulmans avec un mode de vie moderne», estime Simo Alaoui. «Leurs parents transportaient toujours sur eux une copie du Coran. Eux, c’est leur smartphone qui ne les quitte jamais!» Les applications de QuanticApps ne se contentent pas de numériser les textes sacrés: elles proposent aussi une foule de services pratiques, comme

les horaires de prières ou une boussole pour trouver l’emplacement de la Mecque.

Cette tendance se retrouve dans la plupart des applications religieuses. Certaines, comme Messes Info, proposée par la conférence des évêques de France, se consacrent à répertorier les horaires des messes catholiques dans le pays. Le service, qui existait sous forme de site Internet, a connu une nouvelle jeunesse avec l’arrivée des smartphones. D’autres applications proposent des cartes pour trouver un restaurant casher ou halal près de soi. On peut aussi utiliser son smartphone pourallumer un «cierge 2.0» à Lourdes ou jouer du schofar.

L’idée n’est pas de remplacer les lieux de culte et les religieux, mais d’accompagner le croyant dans ses pratiques et son quotidien. «Ce n’est pas le smartphone qui va accomplir mes prières, mais il me permet de savoir s’il est l’heure pour moi de prier», résume Fateh Kimouche. Il existe ainsi des applications pour accompagner les catholiques durant le carême, à l’image de Retraite dans la Ville, proposée par les frères dominicains, qui propose notamment une méditation sur le texte du jour et une possibilité d’accompagnement.

Un marché contraignant

Ces évolutions ne sont pas toujours bien accueillies par les croyants. Comme d’autres avant elle, la religion craint un peu le numérique. L’écran est vu comme un outil froid et une source de distraction, surtout dans les lieux de culte. Comment savoir si son voisin est en train de jouer à Angry Birds sur son téléphone plutôt que de lire son bréviaire en ligne? «Il y a une vraie réticente à sortir son téléphone à l’Eglise», indique Guylaine Colineaux, directrice marketing chez Bayard, qui édite notamment l’application Prions en Église. «C’est plus un outil de prière personnelle. Cela permet aux gens qui n’ont pas le temps de se ménager des pauses et de prier, par exemple au travail.»

En outre, les entrepreneurs qui tentent de créer un business autour de ces apps religieuses se heurtent à davantage de contraintes que pour les autres applications mobiles. QuanticApps ne peut pas afficher de publicités allant à l’encontre des principes islamiques, par exemple pour des jeux d’argent. Le public des croyants est aussi plus restreint que le marché global des utilisateurs de mobile. Les chiffres des apps de religion, qui ne disposent pas de catégorie dédiée sur Android ou iPhone, sont encore loin des résultats des plus grands succès sur smartphone, comme Instagram ou Snapchat. Cela n’empêche pas quelques réussites entrepreneuriales. La start-up américaine Salem Software, qui vend des Bibles numériques en espagnol, dégage un profit annuel de plus de 100.000 dollars.