YouTube dévoile son service musical payant, Music Key
Pas de publicité, mode hors-connexion, lecture de la musique même lorsqu’une autre application est ouverte… YouTube Music Key, lancé en version beta dans sept pays, propose des fonctionnalités similaires à Deezer ou Spotify pour 9,99 euros par mois, la lecture de clips vidéo en plus.
Le dernier verrou empêchant YouTube d’aller se frotter à Spotify, Deezer et Beats Music vient de sauter. Après des mois d’âpres négociations, la société Merlin, qui représente les intérêts de 20.000 labels indépendants, a accepté de signer avec le géant américain de la vidéo. Ses artistes, parmi lesquels Adele ou The Arctic Monkeys, figureront bien dans l’offre payante de YouTube, baptisée YouTube Music Key.
L’accord de Merlin était indispensable à la constitution d’une discothèque pouvant rivaliser avec celle des poids lourds des services musicaux en ligne. Mais les indépendants avaient refusé dans un premier temps de signer avec YouTube pour des questions financières. Les droits reversés à ces labels auraient été inférieurs à ceux négociés par les grandes majors (Sony, Warner, Universal), et à ceux versés par des services de streaming concurrents. Face à ce refus, YouTube a brandi mi-juin une menace de poids: retirer de son service de vidéo gratuit tous les clips des artistes travaillant pour les labels réfractaires. L’annonce, qui n’a jamais été suivie d’effet, a suscité un tollé chez les internautes, mais aussi chez les labels indépendants qui ont déposé plainte début juillet auprès de la Commission européenne pour abus de position dominante.
Mode hors-connexion et aucune publicité
Rien n’a filtré quant aux nouvelles conditions financières liant YouTube à Merlin. Mais sitôt l’accord signé, le service de vidéo a annoncé mercredi soir le lancement, en version beta, de YouTube Music Key dans sept pays: États-Unis, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Finlande, Portugal et Irlande. L’arrivée du service dans le reste du monde se fera dans les mois à venir. Contre un abonnement de 9,99 euros par mois, l’utilisateur de cette application pourra regarder des clips musicaux à volonté, sans aucune publicité. Sur mobile, la musique continuera à jouer même lorsque l’écran du smartphone est verrouillé, ou lorsque l’utilisateur ouvre une autre application – des options absentes de la version gratuite de YouTube. Une fonction «lecture hors ligne», indispensable dans les transports ou dans les zones sans connexion à Internet, est également de la partie. L’abonnement comprend aussi un accès à Google Play Music, l’autre service musical de Google, dont le catalogue est composé de plus de 30 millions de titres.
Cette annonce est un véritable tournant pour YouTube, qui a conquis au fil des années un milliard d’utilisateurs séduits par son modèle gratuit. En France, la plateforme américaine est l’une des sources favorites des internautes pour écouter de la musique (49%), loin devant des services spécialisés commer Deezer ou Spotify (25%), selon un sondage Orange-Terrafemina publié l’an passé. En échange de cette écoute gratuite et illimitée de musique, l’internaute se voit imposer la lecture de publicités, dont une part des revenus revient aux ayants-droit. Mais cette source de financement est insuffisante pour les labels: selon le Wall Street Journal, un utilisateur gratuit rapporte aux maisons de disque 4 dollars par an, contre 50 à 75 dollars pour un abonné à Spotify ou Deezer. Autre illustration de ce déséquilibre: avec son milliard d’utilisateurs, YouTube a reversé à l’industrie musicale un milliard de dollars depuis 2006. Spotify, avec seulement 12,5 millions d’abonnés, a lui reversé deux milliards de dollars…
Le passage au modèle payant de YouTube n’aura rien d’obligatoire et la version gratuite continuera à fonctionner comme avant. Mais le cabinet Media Create estime que Music Key devrait séduire durant sa première année de vie un peu plus de quatre millions d’internautes à travers le monde. Cette petite part des utilisateurs de YouTube sera suffisante pour générer 500 millions de dollars de chiffre d’affaires en une année.