Des éditeurs français dénoncent le «détournement de trafic» fomenté par Google

Plusieurs centaines de sites Internet français, regroupés au sein de l’Open Internet Project, s’élèvent contre une nouvelle fonction du moteur de recherche, appelée «Search Box». Google leur répond.

Leur proie a beau être bien plus grosse qu’eux, les éditeurs ne lâchent pas le morceau. Jeudi, les représentants de l’Open Internet Project, une organisation qui fédère près d’un millier de sites en France et en Allemagne, ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme la dernière perfidie en date du géant américain du Web, la «Search Box».

Depuis quelques jours, lorsqu’un internaute cherche un site Internet sur Google, un nouveau champ de recherche apparaît sous la première réponse. Google invite à préciser sa recherche pour obtenir des résultats limités au site qu’il comptait visiter. Par exemple, une personne qui voulait aller sur Amazon peut taper le titre du livre qu’il pensait acheter dans cet espace de recherche suppémentaire. Google lui présente alors une nouvelle liste de résultats, avec toutes les pages d’Amazon correspondant à sa recherche.

Les sites regroupés au sein de l’OIP n’ont pas de mots assez durs pour attaquer cette «Search Box». Il faut en effet un clic supplémentaire pour parvenir au site cherché à l’origine, ce qui leur fait courir un risque de baisse de trafic. «C’est du parasistime», estime Benoît Sillard, PDG de CCM-Benchmark. «Google récupère le travail des autres, détourne de la valeur et ne laisse qu’un quignon de pain», ajoute-t-il. Le moteur affiche en effet de la publicité sur la page de résultats de la «Search Box».

L’Open Internet Project a envoyé jeudi une mise en demeure à Google, pour exiger le retrait de cette fonction en France, et se dit prêt à s’engager dans une voie contentieuse. «C’est une mesure arbitraite. Google impose la ‘Search Box’ de manière unilatérale. Il développe son modèle économique aux dépens des sites et éditeurs», accuse Armelle Thoraval, présidente de l’Open Internet Project, qui a signé la mise en demeure.

«Une vigilance permanente»

Google a commencé à réagir. Dans la nuit de mercredi à jeudi, il a désactivé la «Search Box» de quelques sites français dont Le Bon Coin, qui devait participer à la conférence de presse de l’OIP quelques heures plus tard. «L’algorithme de Google a des petites mains, un petit cerveau, s’il faut débrancher en toute urgence, il réagit», souligne Armelle Thoraval. Google va aussi proposer «prochainement» aux sites de retirer eux-mêmes la boîte de recherche s’ils le désirent, indique un porte-parole. La fonction sera proposée dans le monde entier.

Les éditeurs de l’OIP se disent fatigués de «cavaler» après chacune des nouveautés de Google qui les désavantagent. «Nous sommes dans une situation de vigilance permanente, et avons peu de moyens», déplore Armelle Thoraval. «Ces changements nuisent à l’innovation en Europe», ajoute Olivier Sichel, PDG du comparateur LeGuide.com, propriété de Lagardère Active.

L’OIP s’est formé en mai. Il porte les intérêts d’entreprises franco-allemandes du Web et comprend aussi bien les éditeurs de l’association le Geste (dont Le Figaro est membre), la Fédération française des télécoms, le groupe allemand de médias Axel Springer et le Syndicat des éditeurs de services de musique en ligne.

Ces entreprises réclament «l’interdiction des pratiques de Google consistant à favoriser ses propres services et contenus». Plusieurs de ces entreprises sont à l’origine de la plainte qui a mené à l’ouverture en 2010 de l’enquête de Bruxelles sur les soupçons d’abus de position dominante de Google dans la recherche sur Internet. La Commission a rejeté à trois reprises les engagements de Google, qu’elle estime insuffisants.