Pourquoi Twitter veut ressembler à Facebook
Twitter semble bien déterminé à délaisser son affichage chronologique, au profit d’un algorithme sélectionnant les messages qui s’affichent et déterminant leur ordre. Anthony Noto, son directeur financier, a de nouveau ouvert la porte, mercredi 3 septembre, à ce changement radical redouté par une partie des utilisateurs du réseau de microblogging. S’exprimant dans le cadre d’une conférence à New York, il a évoqué un « algorithme qui permet de délivrer l’ampleur et la profondeur des contenus sur un sujet spécifique qui peut intéresser les gens ».
Ce n’est pas la première fois que Twitter parle de cette modification. En février, Dick Costolo, son directeur général, avait déjà mentionné cette hypothèse. Mais il semble aujourd’hui qu’il ne s’agisse véritablement plus que d’une question de temps. L’ordre chronologique « n’est pas l’expérience la plus pertinente pour nos utilisateurs », assure M. Noto, un peu comme le verdict des réflexions menées en interne, quand son supérieur avait été moins catégorique, utilisant le conditionnel. Et de promettre: « nous allons agir méthodiquement, effectuer des tests pour comprendre quelles sont les implications ».
SE RAPPROCHER DE FACEBOOK
L’introduction de cet algorithme serait un pas supplémentaire dans la volonté de Twitter de ressembler toujours plus à Facebook. Début avril, le réseau avait modifié l’apparence du profil de ses utilisateurs. Comme sur la plate-forme rivale, ces profils comportent désormais une photo de profil située sur la gauche, ainsi qu’une imposante photo de couverture et des informations situées dans la colonne de gauche. Autre rapprochement: le nouveau design fait aussi la part belle aux photos et aux vidéos, qui s’affichent désormais directement dans la liste des tweets.
Twitter a également modifié les éléments qui apparaissent sur la « timeline ». Très récemment, il a commencé à montrer certains tweets mis en favoris par des personnes que suivent les utilisateurs. Un peu comme Facebook qui affiche des messages, photos ou liens que les amis d’un membre ont aimé. Auparavant, les conversations avaient aussi été revues, avec l’intégration de tweets antérieurs dans le flux. C’est aussi ce que fait Facebook en remontant d’anciens messages, a nouveau commenté par un ami. Et ce n’est peut-être pas fini: Twitter teste aussi le remplacement des « retweets » par des « partages », terme plus grand public, car notamment popularisé par… Facebook.
PLUS FACILE A COMPRENDRE
Ces potentielles modifications doivent répondre à l’objectif prioritaire que s’est fixé Twitter: « rendre la plateforme plus facile à comprendre pour les nouveaux arrivants », comme l’expliquait M. Costolo en février en marge des résultats financiers. A plusieurs reprises, il avait ainsi répété les mots « simple » et « accessible », une façon d’admettre que beaucoup de nouveaux utilisateurs se découragent assez vite. C’est en effet l’un des problèmes majeurs du réseau. La plate-forme est trop compliquée, elle obéit à ses propres règles qui peuvent être compliquées à appréhender rapidement.
Un nombre très élevé d’inscrits arrêtent ainsi d’être actifs au bout de quelques mois – une donnée que la société se garde bien de communiquer. Se rapprocher de Facebook, c’est aussi se rapprocher de standards que les internautes se sont aujourd’hui appropriés. Twitter espère retenir les curieux qui débarquent sur son site. Et ainsi relancer sa croissance. D’autant que les bons chiffres du deuxième trimestre peuvent être relativisés par le surplus d’activité lié à la Coupe du monde de football. Avant cela, l’évolution du nombre d’utilisateurs et de leur engagement suivait une trajectoire inquiétante.
NOUVELLE SOURCE DE REVENUS
Les dirigeants de Twitter ne le reconnaissent pas encore mais opter pour un algorithme pourrait aussi offrir une nouvelle source de chiffre d’affaires. Si tous les tweets ne s’affichent plus automatiquement auprès de ses followers, une marque pourrait être tentée d’opter pour des messages sponsorisés, et donc payants, pour toucher une audience plus large. Par exemple, les utilisateurs qui la suivent. Autrement dit, elle devra désormais payer ce qui était jusque-là gratuit ! Les tweets sponsorisés existent déjà mais il permettent surtout, pour le moment, de cibler des personnes qui ne suivent pas l’annonceur.
Cette nouvelle approche serait la même que sur Facebook. Le réseau social filtre en effet assez fortement ce qu’il affiche sur le fil d’actualités de ses membres. Pour les marques, cela signifie que chaque message qu’elle poste n’est vu que par une infime partie des personnes qui les aiment. Ce taux est faible, autour de 5-6%, encore moins pour les pages ayant beaucoup de « j’aime ». Et il ne cesse de reculer. A la place, Facebook invite les marques à opter pour des messages sponsorisés. Twitter pourrait aussi bénéficier d’une telle évolution, alors même que la société doit encore convaincre les investisseurs de son potentiel publicitaire.